En France, des enquêtes financières en mal "de vocation"


En France, des enquêtes financières en mal "de vocation".

Paris (AFP) - Des victimes entendues deux ans après leurs plaintes, des perquisitions réalisées par des magistrats faute d'enquêteurs... La lutte contre la délinquance économique et financière souffre d'une "crise de vocation" en France, se traduisant par un manque criant d'effectifs.

Qu'ils soient en poste dans la capitale ou en régions, les magistrats et policiers financiers interrogés par l'AFP constatent : "Personne ne veut travailler chez nous".

Quand il exerçait dans une juridiction du nord du pays, un procureur se souvient avoir compter sur "seulement trois policiers et deux gendarmes spécialisés" pour couvrir "trois départements".

Même dans les prestigieux offices centraux, chargés des investigations les plus complexes, plusieurs postes sont vacants et des "bureaux sont vides", raconte Yann Bastière, délégué national investigation du syndicat Unité-SGP Police : "Il y a une vraie crise de vocation".

A l'Oclciff, l'office chargé d'enquêter sur la grande corruption, 30 postes sur une centaine étaient non pourvus fin 2023, explique par exemple un enquêteur à l'AFP. "On était dans le creux de la vague", reconnaît Magali Caillat, cheffe de la Sous-direction de la lutte contre la criminalité financière.

Quinze personnes doivent arriver d'ici juillet. Ces recrutements sont le fruit "des efforts" des "deux dernières années" pour expliquer l'intérêt des postes, assure Mme Caillat, même s'ils doivent être poursuivis côté OCRGDF, l'office chargé de la lutte anti-blanchiment, les effectifs sont tombés en deçà de 70.

Après l'embauche, reste le problème de la fidélisation des troupes.

Plusieurs procureurs ont déploré auprès de l'AFP le turn-over des officiers : "à peine formés", les recrues, souvent jeunes, partent. "On rentre dans la police pour courir après le voleur, pas pour travailler sur des comptes bancaires", témoigne un enquêteur de région parisienne.

Début mars, la cheffe de l'OCRGDF, Anne-Sophie Coulbois, tentait de déconstruire ce cliché, en postant en personne une annonce d'embauche sur LinkedIn : "si vous pensez qu'il s'agit d'exercer des missions similaires à celles d'un expert-comptable, détrompez-vous !".

Fraudes aux investissements, aux aides Covid, escroqueries, corruption... la matière touche même "au coeur du grand banditisme", défend une enquêtrice chevronnée en Normandie.

Dans ces dossiers, ce sont "bien souvent" les investigations financières qui permettent de "démanteler les organisations criminelles".

Des magistrats relatent devoir "persuader" certains services, surchargés, de prendre leurs dossiers. Résultat, les procédures traînent.

"On a des victimes entendues deux ans après leurs plaintes, elles ont le sentiment qu'on ne fait rien", témoigne un juge d'instruction de la galerie financière à Paris. "C'est préjudiciable aussi aux suspects. Imaginez être perquisitionné, puis attendre des années pour être entendu et vous expliquer".

Quand un procès a lieu, l'audience intervient parfois si longtemps après les faits qu'il est difficile d'avoir "une réponse pénale de qualité", ce qui "nourrit un sentiment d'impunité", regrette une procureure.

This article was published Wednesday, 27 March, 2024 by AFP
Article complet réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'article, choisissez un abonnement
245be163a0433124aad2b82e34f51d6cfb4076af.jpg

La lutte contre la délinquance économique et financière souffre d'une "crise de vocation" en France, se traduisant par un manque criant d'effectifs © AFP/Archives JOEL SAGET


Plus d'articles