De l'usine à la plage, les tribulations d'un granulé de plastique qui fait pleurer les sirènes
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De l'usine à la plage, les tribulations d'un granulé de plastique qui fait pleurer les sirènes.
Brest (AFP) - C'est un granulé de plastique, rond et translucide le plus souvent, de 5 mm en moyenne, qui pris isolément semble inoffensif. Mais ce roi de l'évasion voyage en bande et quand ils se déversent par millions dans l'océan, il est quasiment impossible de les ramasser et d'enrayer leurs dégâts.
Leur nom officiel ? Granulés plastiques industriels ou GPI. Ils sont aussi appelés pellets ou "larmes de sirènes".
Ces GPI sont les premiers maillons de la chaîne de fabrication du plastique, "l'intermédiaire entre le pétrole principalement et les produits plastiques finis", explique à l'AFP Kevin Tallec, du Cedre (organisme expert en pollution des eaux), docteur en biologie marine.
L'usine est le milieu naturel de cette microbille qui, fondue avec des milliers d'autres, deviendra bidon, barquette ou tout autre objet plastique.
Elle est produite par les géants de la pétrochimie, puis livrée par bateau ou camion aux plasturgistes qui la transforment.
Les plus de 400 millions de tonnes de plastique produites par an mondialement, selon l'OCDE, le sont "majoritairement sous forme de granulés initialement", rappelle Kevin Tallec.
Et "entre 52.140 et 184.290 tonnes de granulés ont été perdus dans l'environnement au sein de l'UE en 2019", selon la Commission européenne. Une régulation pour empêcher les pertes doit être votée jeudi par le Parlement européen.
Ces granulés sont "révélateurs de l'omniprésence du plastique, plus nous allons consommer de plastique, plus nous en aurons besoin", souligne le député français Philippe Bolo (MoDem), expert du sujet.
Depuis longtemps dans l'environnement, ils se sont fait remarquer par d'immenses marées blanches, dont la plus grave s'est produite en 2021 au Sri Lanka où 11.000 tonnes se sont abîmées en mer.
Le littoral Atlantique français a aussi connu des échouages fin 2022 et début 2023.
Or, endiguer ce déferlement est une mission quasiment impossible. "On peut déjà être sûrs à 100% aujourd'hui que s'il y a une pollution par GPI, on n'arrivera pas à récupérer tous les granulés", confirme Kevin Tallec.
Solide, non soluble, léger… ce pellet flotte et s'éparpille. La récupération se fait "essentiellement manuellement", détaille Kevin Tallec qui décrit "un travail intense physiquement, chronophage".
Pour ce qui est de leur impact, la Commission européenne a répertorié des "effets néfastes" sur l'environnement, le climat, potentiellement sur la santé humaine et sur l'économie, certains "spécifiquement dus aux granulés" et d'autres "aux microplastiques en général".
Les études en laboratoire ont montré qu'un apport massif de GPI "pourrait modifier structurellement les habitats" des espèces concernées, note Kevin Tallec, en relevant aussi un "risque d'ingestion" et de "transfert des contaminants chimiques" dans la nature.
Economiquement, M. Tallec recense notamment des risques de fermeture de la pêche ou de sites touristiques et évoque aussi l'impact esthétique ou sur le bien-être humain.
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Des granulés plastiques industriels (GPI) échoués sur la plage de la Pineda, à Tarragone, en Catalogne, le 12 janvier 2024 - Josep LAGO (AFP)